Une gélule….
Le vin tapissait mielleusement ma trachée. Cela compensait largement avec l’aigreur de tes propos. Boire, oublier, s’échapper quelques heures. Le journal du jour est à l’égal de ma journée : des infanticides , des meutres, des vols. On m’a volé mon enfance, on a assassiné ma maternité, mais je suis vivante. Je viens d’élaborer une théorie : mon regard parasite les sonneries de téléphone. Un regard, un mutisme. Le clavier se tait devant mes injonctions….

Deux gélules…
Je pense que la batterie est morte. J’ai vu de la fumée poindre. A moins qu’elle ne s’échappait de ma bouche. Je ne sais plus trop mais peu importe. On a piraté ma messagerie. Ne s’affiche que des sms désobligeants, acides de rancœur. Il est impossible que cela ait une réalité car si tel était le cas, j’en serais déjà à trois gélules…. C’est le cas.
Troisième gélule.
J’ai dû emplir mon verre pour l’avaler. Difficile d’avaler certaines pilules….L’alcool s’évapore dans la chaleur de ma colère. Je n’ai pas mangé. Je me nourris de ma rancœur, jusqu’à plus faim. Hélas la satiété des doutes est vaine. Le repas s’éternise. Doute, crainte. J’ai vomi mon mépris. Toujours cela de fait. Mon cœur se soulève encore, encore. Signe qu’il est encore en fonction….
Quatrième gélule…
Putain de glaive émotionnel. Regarder un téléphone ne sert à rien. Regarder le ciel non plus. Les mots tournicotent dans ma tête embuée, mes yeux opaques ne parviennent que difficilement à faire la part des choses. Donnons cette part au pauvre. Toujours là, lancinante douleur. Vivre sans était possible avant. Certes, qui a évoqué un après ?
Première plaquette
Quand on aime, on ne compte pas . Et j’aime. Un pour maman, un pour papa, les autres pour moi, je suis gourmande. Et puis l’invité n’appellera plus. La sonnerie est cassée : la corde sensible a lâché. Tintement de larme, cristallin, rapide, concis. C’est fragile ces petites choses là.
Deuxième plaquette
Merde, il n’y en a que deux par boite et la pharmacie est fermée. Alchimie du verbe, alchimie du regard, alchimie du placard. Tant de choses feront l’affaire. Trions les par couleur : un arc en ciel dans la tête pour chasser l’orage. L’éclair m’a déjà clouée à terre. Joue, trompe, et perd. Ta peau me manque. Plus de main pour enlacer la mienne. Autant couler, on en finira plus vite.
Troisième plaquette
Le téléphone a peut-être sonné. Personne chez moi n’a décroché. Remarque je suis seule et les poissons rouges ne peuvent rien pour un appel, fusse-t-il capital. Peine. Capitale, aussi. J’ai la gorge serrée…
Première boite
A ce rythme là, la mise manque d’ampleur. Il m’aura oublié avant que j’ai fini de mourir. J’ai nourri le chat pour 4 jours. J’aime pas qu’on touche à mon cadavre. J’ai définitivement éteint le téléphone : cela fait trop longtemps que je fais semblant d’être vivante. Arrêtons de jouer. Pis la messagerie, elle, elle cause. Moi je balbutie. La nuit tombe à trois heure de l’après midi. M’en fout, le temps est subjectif. La fin est proche. La gâchette aussi.
Première et dernière cartouche.
J’ai pris mon sac à main, pis mon sac de tennis. Les baise-en-ville manquent d’ampleur. Cela fait longtemps, trop longtemps que je l’avais dans le viseur. Maman m’a toujours dit : « quand aime, on conserve précieusement ce à quoi l’on tient. » Maman n’a pas souvent tort.
J’ai sonné, mon cœur a tréssaillé dans le même temps. Harmonie des corps et des esprits. Il a mis du temps à ouvrir la porte, m’a souri. Pas longtemps. Nous nous sommes pacsés pour l’éternité. La balle du fusil a sonné le glas de notre séparation. Enfin unis. Deuxième décharge. Dans la mort. « Tu as chaud mon cœur. Je suis bien blottie dans tes bras. »